En explorant les effets de la nicotine et de l’alcool sur le cerveau, des chercheurs de l’ESPCI Paris - PSL (1) révèlent l’existence d’un circuit neuronal commun qui relie étroitement renforcement et comportements anxieux. Une découverte qui met en lumière un mécanisme cérébral partagé par ces deux substances, et qui éclaire les fondements neurobiologiques de leur usage fréquent et souvent combiné.
Figure 1. La nicotine et l’alcool activent une boucle de rétrocontrôle inhibitrice entre les circuits dopaminergiques de la récompense et de l’anxiété Fabio Marti
Les travaux se concentrent sur l’aire tegmentale ventrale (VTA), une région clé du système de la récompense. Les scientifiques ont étudié deux voies dopaminergiques distinctes partant de cette zone : l’une projetant vers le noyau accumbens (NAc), impliqué dans la sensation de récompense, l’autre vers l’amygdale, une structure essentielle dans la régulation des émotions et de l’anxiété.
Les résultats montrent que la nicotine et l’alcool activent la voie dopaminergique menant au NAc, ce qui génère un effet de renforcement positif. Mais cette activation s’accompagne d’une inhibition indirecte des neurones dopaminergiques projetant vers l’amygdale. Ce phénomène repose sur une boucle de rétrocontrôle : l’activation du NAc déclenche un signal inhibiteur, transmis par des neurones GABAergiques, qui désactive les neurones VTA→amygdale. Cette désactivation favorise l’émergence de comportements anxieux.
Les deux substances empruntent ce même circuit, et leurs effets s’additionnent. En bloquant cette boucle grâce à des outils optogénétiques, les chercheurs sont parvenus à annuler l’effet anxiogène provoqué par l’alcool et la nicotine chez la souris, confirmant le rôle clé de ce mécanisme.
Ces travaux montrent que les effets négatifs de ces drogues sur l’humeur ne sont pas des conséquences indirectes, mais bien le produit direct de l’activation du circuit dopaminergique de la récompense. Une avancée qui permet de mieux comprendre la vulnérabilité aux addictions multiples, notamment la co-consommation d’alcool et de tabac, et qui ouvre de nouvelles pistes pour décrypter la dynamique cérébrale entre plaisir et mal-être.
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Référence :
Le Borgne, T., Nguyen, C., Vicq, E. et al. Nicotine engages a VTA-NAc feedback loop to inhibit amygdala-projecting dopamine neurons and induce anxiety-like behaviors. Nat Commun 16, 6196 (2025). https://doi.org/10.1038/s41467-025-61180-8
(1) Travaux menés au sein du Laboratoire Plasticité du Cerveau (ESPCI Paris - PSL, CNRS) en collaboration avec des chercheurs de Sorbonne Université, de l’Inserm et de l’Institut Pasteur.