Portrait : Valérie Pichon, médaille d’argent du CNRS

 
12/04/2022

Valérie Pichon, professeure à Sorbonne universités, vient de recevoir la médaille d’argent du CNRS. Cette récompense souligne l’originalité et la qualité de ses travaux de recherche menés au sein du laboratoire CBI à l ’école depuis presque 30 ans. Portrait d’une enseignante-chercheuse en sciences analytiques passionnée, qui a aussi fait de la transmission des savoirs une priorité.


Quelles sont vos thématiques de recherche ?

Je dirige l’équipe Sciences Analytiques, Bioanalytiques et Miniaturisation. Nos travaux visent à concevoir et étudier de nouvelles stratégies analytiques pour répondre aux demandes sociétales actuelles. Si l’activité de recherche de l’équipe est globalement en lien avec la chromatographie, mon groupe est spécialisé dans le traitement de l’échantillon. Cela signifie que nos travaux portent sur l’extraction de molécules ciblées, souvent à l’état de traces, dans des échantillons complexes tels que le sang, les urines ou encore les eaux naturelles, les sols, les aliments etc. Nous essayons également d’optimiser nos méthodes de préparation d’échantillon, pour avoir des outils moins couteux, éco-responsables et plus adaptés au domaine d’application pour lequel ils sont développés.

Qu’entendez-vous par miniaturisation ?

Il s’agit ici de réduire l’impact écologique et économique des outils que nous développons, tout en les adaptant également à des échantillons de tailles réduites tels que des larmes ou des gouttes de sang. Nous essayons ainsi de proposer des outils d’analyses fiables à partir d’échantillons de plus en plus petits. Ils consomment alors moins de réactifs et génèrent moins de déchets. Bien sûr cette approche n’est pas parfaite en terme d’impact écologique : il manque encore l’analyse du coût énergétique de la méthode dans sa globalité. Mais c’est un pas dans la bonne direction et c’est indispensable aujourd’hui.

Quelles sont les différentes méthodes que vous utilisez pour isoler/extraire vos composés d’intérêt ?

Au départ, nous nous sommes concentrés sur une approche dite biologique : nous utilisons des anticorps spécifiques de la molécule ciblée qui sont immobilisés sur un support solide. De cette manière, ils sont utilisés pour l’extraction sélective de l’échantillon à analyser. Cependant, le cout élevé du développement des anticorps nous a conduit, pour certains domaines, à explorer d’autres voies permettant de générer un nouveau mécanisme de reconnaissance moléculaire. Ainsi, nous nous sommes intéressés aux polymères à empreintes moléculaires, puis ioniques qui se sont révélés être une alternative prometteuse. Le principe est le même que pour les anticorps, il s’agit de synthétiser un polymère en créant des cavités dont la structure est parfaitement adaptée à celle de notre molécule/ion cible, comme un moulage. Ils présentent l’avantage de pouvoir être synthétisés à façon, en plus d’être moins chers à produire.

Ces dernières années, nous nous sommes intéressés à des séquences d’oligonucléotides (de type ARN ou ADN simple brin) appelées aptamères. Ceux-ci peuvent également développer une forte affinité avec une molécule, mais aussi d’ions, offrant ainsi une nouvelle voie exploratoire pour l’extraction sélective, comme en témoignent nos récents travaux.

Quel est l’intérêt de disposer de ces trois « outils » différents pour préparer vos échantillons ?

Aujourd’hui, grâce à notre expertise, nous pouvons adapter ces outils (polymères imprimés, supports à base d’anticorps, d’aptamères mais aussi de lectines et d’enzymes…) à des besoins précis. Nous pouvons aussi bien traiter des échantillons biologiques pour détecter des marqueurs de pathologie, que des échantillons d’eau ou de sols pour l’environnement. La connaissance approfondie de nos outils nous permet de les choisir, les comparer et les adapter. Cela se fait souvent dans le cadre de collaborations avec des équipes académiques ou industrielles afin de répondre à une problématique réelle. Nos partenaires connaissent par exemple le seuil de toxicité d’une molécule donnée pour laquelle ils ne disposent pas de méthode d’analyse satisfaisante : charge à nous de développer un moyen fiable, robuste et efficace, intégrant un de ces outils dans un format adapté à leur besoin, pour la détecter et la quantifier, tout en respectant leur cahier des charges.

Vous mentionnez de nombreuses collaborations, elles sont essentielles pour vous ?

Tout à fait ! Nous avons la chance, ici à l’ESPCI, d’avoir un environnement très favorable pour initier des collaborations avec des partenaires variés, industriels et institutionnels, pour proposer des idées nouvelles ou améliorer celles existantes.
C’est également lié à la reconnaissance de notre large palette de compétences. Nous travaillons aussi bien avec des entreprises de la santé et de l’alimentaire qu’avec des instituts en lien avec la sécurité des personnes. Cette diversité d’applications et d’enjeux rend ces sujets passionnants !

Cette passion, en temps que professeure vous aimez aussi la transmettre …

C’est pour moi le cœur de mon métier. Aujourd’hui, je ne fais plus d’expériences. J’enseigne et je forme des stagiaires et des doctorant·es, afin de les rendre au plus vite acteurs de leurs projets. Je favorise également leur participation à un maximum de conférences, car cette ouverture à d’autres thématiques est un facteur essentiel en sciences analytiques, une science à l’interface de nombreux domaines et disciplines.

Parcours

Après une thèse en chimie analytique (soutenue à l’UPMC, sous la direction de la Professeure M.-C. Hennion à l’ESPCI), Valérie Pichon est recrutée comme maître de conférences à l’ESPCI Paris-PSL. Elle obtient son HDR en 2004, puis un poste de professeure à Sorbonne université en 2010, sa recherche étant menée au sein de l’UMR CBI (CNRS, ESPCI Paris-PSL).

En 2021, la chercheuse a été nommée parmi les 100 scientifiques les plus influents en chimie analytique au niveau international. Elle a également reçu le 1er prix de la division Chimie analytique de la Société Française de Chimie en 2001. Valérie Pichon a participé à 133 publications scientifiques, pour un H-index de 45. Elle a encadré plus d’une vingtaine d’étudiant·es en thèse.

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