Janine Cossy, une chimiste à l’Académie des Sciences

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04/06/2018

Le 29 Mai 2018, Janine Cossy, professeur de chimie organique à l’ESPCI Paris a intégré la nouvelle promotion de l’Académie des Sciences, avec 17 autres scientifiques. Sa carrière est jalonnée de récompenses prestigieuses, comme une médaille d’argent du CNRS, ou le prix Jungfleisch de l’Académie des Sciences.
Rencontre avec cette enseignante-chercheuse présente à l’école depuis trois décennies.


Q : Bonjour Janine, pouvez-vous nous résumer votre parcours en quelques dates clés ?

JC : Après une thèse à l’Université Champagne-Ardenne à Reims, j’ai passé 2 ans aux USA en tant que postdoctorante, avant de revenir à Reims. En 1990, j’ai été nommée à l’ESPCI ; déjà 28 ans ! Pour l’anecdote, je détestais la chimie au lycée, et je mettais un point d’honneur à être la dernière de ma classe. C’est réellement à l’université qu’un professeur de chimie organique m’a donné le goût de cette discipline.

Q : Quelles sont vos thématiques de recherche ?

JC : Je travaille principalement sur la synthèse de molécules organiques à visée thérapeutique et agrochimique (anti-inflammatoires, anti-tumoraux, antifongiques,…). J’ai toujours été fascinée par la Nature et par la très grande diversité de composés biologiquement actifs qu’elle renferme, malheureusement, elle n’est parfois pas très généreuse ! La Nature ne produit ces composés qu’en très petites quantités, et, si on veut traiter les malades à l’aide de ces composés, seul un nombre infime de malades pourraient en bénéficier. En plus, cela entraînerait la destruction de la faune et de la flore. Il est donc important de synthétiser ces produits naturels biologiquement actifs en quantité importante et même d’en améliorer les propriétés en les modifiant légèrement, grâce à la chimie. Les autres aspects importants de notre recherche sont la mise au point d’outils synthétiques et la vectorisation de médicaments vers les cibles biologiques soit en synthétisant des immunoconjugués soit en essayant d’acheminer le principe actif vers le site à traiter (comme les tumeurs), en encapsulant le principe actif dans des microgouttellettes. Ces techniques sont susceptibles de limiter les effets secondaires liés aux drogues.

Q : Vous avez une carrière riche, en lien étroit avec l’industrie…

JC : Si j’essaie de faire le bilan, avec mon équipe nous avons effectivement développé un certain nombre d’outils synthétiques au laboratoire, et j’ai toujours privilégié le lien avec les industriels ce qui nous a permis d’avoir accès à des problèmes concrets et de concevoir des outils pour résoudre ces problèmes. Nous avons mis au point des réactions photochimiques, thermiques, enzymatiques, organométalliques, pour ne citer que quelques réactions et, toutes ces réactions nous ont permis d’accéder de façon très simple à une grande variété de molécules, dont certaines étaient d’intérêt pour les industriels. Grâce aux outils synthétiques que nous avons mis au point, nous avons pu accéder à un anti-inflammatoire qui est en Phase II de tests cliniques, accéder à deux dérivés d’un antitumoral naturel qui se sont révélés être plus sélectifs et plus puissants sur les cellules cancéreuses que le produit naturel lui-même.

Q : Comment avez-vous appris votre élection à l’Académie des sciences ?

JC : J’ai reçu un SMS très laconique et j’ai tout d’abord cru à une erreur de destinataire. Cette reconnaissance est un très grand honneur pour moi. J’espère m’impliquer autant que possible dans cette Compagnie, mais le suivi des doctorants et des postdoctorants restera toujours ma priorité.

Q : Vous êtes 4 femmes parmi les 18 nouveaux entrants à l’Académie, qu’en pensez-vous ?

JC : Bien sûr, ce n’est pas assez ! La chimie organique est une discipline exigeante et je pense qu’une femme doit travailler 3 fois plus qu’un homme si elle veut réussir dans ce domaine. Pour une femme, ce n’est pas facile car elle doit mener, à certains moments, « plusieurs vies » de front. Probablement que c’est le cas dans beaucoup de disciplines scientifiques, ce qui est un handicap pour les femmes. Il serait souhaitable qu’on ne nous surcharge pas de tâches administratives au titre de la parité.

Q : Vous avez fait votre carrière à l’ESPCI, que représente l’école pour vous ?

JC : Beaucoup. Sans ma nomination à l’Ecole, par Pierre Gilles de Gennes, je n’aurais pas fait la carrière que j’ai faite. De plus, mon arrivée à l’Ecole a coïncidé avec le prix Nobel de P. G. de Gennes, ce qui a été une grande chance, car l’Ecole et ses laboratoires ont été mis en lumière. L’Ecole est un village où on peut, si on le veut, collaborer avec des chercheurs de disciplines différentes et se lancer dans une recherche multidisciplinaire et/ou une recherche à l’interface, à condition de ne pas détruire les faces car, sans faces pas d’interfaces !
La formation dispensée à l’Ecole est excellente. L’ESPCI reste l’une des rares écoles françaises à dispenser une vraie formation scientifique pluridisciplinaire, tant sur le plan pratique que sur le plan théorique. Pour ma part, j’ai eu le plaisir d’enseigner la chimie organique à un certain nombre d’élèves-ingénieurs (le plaisir n’a certainement pas été partagé par tous les élèves, en particulier ceux qui détestaient la chimie organique, et je peux les comprendre).

Publications marquantes :

1-Synthesis of bicyclic cyclopentanols by photoreductive cyclization of δ,ε-unsaturated ketones
D. Belotti, J. Cossy, J. P. Pète, J. Org. Chem. 1986, 51, 4196-4200.

2-Ring expansion. Formation of optically active 3-hydroxypiperidines from pyrrolidine methanol derivatives
J. Cossy, C. Dumas, D. Gomez Pardo, Eur. J. Org. Chem. 1999, 7, 1693-1699.

3-Iron-catalyzed cross-coupling of alkyl halides with alkenyl Grignard reagents
Guérinot, S. Reymond, J. Cossy Angew. Chem. Int. Ed. 2007, 46, 6521- 6523.

4- a) Synthesis of ML-3000, an inhibitor of cyclooxygenase and 5-lipoxygenase
J. Cossy, D. Belotti J. Org. Chem. 1997, 62, 7900-7901.
 Process for the preparation of tetrahydro-5-oxopyrrolizine derivatives
D. Belotti, J. Cossy, PCT Int. Appl. 1998 WO 9817666 A2 19980430

5-Procédé pour activer une réaction chimique, solution activable par ce procédé et dispositif pour la mise en oeuvre du procédé
O. Couture, M. Tanter, P. Tabeling, J. Cossy, M. Fink PCT/FR2014/050004
 High spatio-temporal control of spontaneous reactions using ultrasound-triggered composite droplets
M. Bézagu, C. Errico, V. Chaulot-Talmon, F. Monti, M. Tanter, P. Tabeling, J. Cossy, S. Arseniyadis, O. Couture J. Am. Chem. Soc. 2014, 136, 7205-7208.





ÉCOLE SUPÉRIEURE DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE INDUSTRIELLES DE LA VILLE DE PARIS
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