De nouvelles avancées en imagerie fonctionnelle ultrasonore pour les neurosciences

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26/06/2020

Depuis son introduction en 2011, l’imagerie fonctionnelle ultrasonore (fUS) s’impose peu à peu comme une méthode de neuroimagerie de premier plan. Cette technique, développée par l’équipe de Mickael Tanter (laboratoire Physique pour la Médecine, Inserm/ESPCI Paris-PSL/PSL Université/CNRS), a ouvert un domaine de recherche en neuroscience qui est désormais en pleine expansion. Pour preuve, ces trois articles, publiés en l’espace d’une semaine dans des revues à fort impact (deux publications dans PNAS, une autre dans Nature Communications), qui rapportent des avancées scientifiques majeures tant sur l’aspect fondamental de la méthode que sur les applications pour la recherche préclinique.

Colonnes de dominance oculaire dans le cortex visuel du primate non-humain après visualisation par imagerie ultrasonore ultrarapide. Crédit : Kevin Blaize, Institut de la vision, Paris, France (Blaize et al., PNAS 2020).

L’origine du signal mesuré en imagerie fonctionnelle ultrasonore lors d’une activation du cerveau enfin élucidée

L’imagerie fUS cartographie l’activité cérébrale en détectant les variations de flux sanguins dans le cerveau associées à cette activité neuronale. L’équipe de Serge Charpak à l’Institut de la Vision (Inserm/Sorbonne Université) étudie depuis des années le couplage neurovasculaire, c’est-à-dire les mécanismes cellulaires liant l’activité neuronale et le flux vasculaire aux échelles microscopiques et mésoscopiques. En collaboration avec le laboratoire Physique pour la Médecine et le laboratoire de Patrick Drew (Université de l’Etat de Pennsylvanie), elle vient d’étudier le lien entre le signal ultrasonore enregistré au niveau d’un voxel unique et l’activité neuronale de ce même voxel, en effectuant des mesures co-localisée par fUS et par microscopie bi-photonique. Elle a pu ainsi établir les fonctions de transfert, optimisées par apprentissage automatique, qui permettent de prédire les signaux fUS à partir des stimulations sensorielles. « La détermination de fonctions de transfert décrivant le couplage neuro-vasculaire est importante car ces fonctions pourraient d’une part, permettre d’améliorer le traitement des données en imagerie humaine, et d’autre part être utilisées pour suivre l’altération des fonctions vasculaires cérébrales au cours du temps » selon Serge Charpak.

Mise en évidence d’un default mode network dans le cerveau de souris

Dans une étude publiée dans PNAS, l’équipe de Zsolt Lenkei à l’Institut de Psychiatrie et de Neurosciences de Paris et le laboratoire Physique pour la Médecine ont mis en évidence l’existence d’un réseau de neurones, connu et identifié chez l’homme comme le default mode network, mais jusque-là jamais observé en fonction chez la souris. Les neurones de ce réseau communiquent à l’état de veille, et se désactivent au démarrage d’une tâche. La fonction de ce réseau est affectée d’une façon caractéristique dans les désordres du cerveau comme la dépression, la maladie d’Alzheimer, schizophrénie ou autisme. L’étude du default mode network chez la souris, modèle préclinique majeur, pourrait permettre le développement de nouveaux médicaments selon une approche translationnelle, notamment pour le traitement de troubles neuropsychiatriques.

Cartographie précise du cortex visuel chez le primate

Cartes rétinotopiques du cortex visuel d’un primate non-humain, obtenues par imagerie fonctionnelle ultrasonore. Crédit : Kevin Blaize, Institut de la Vision, Paris, France (Blaize et al., PNAS 2020).

La troisième étude, également publiée dans PNAS, associe le laboratoire Physique pour la Médecine avec l’équipe de Pierre Pouget à l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière et l’équipe de Serge Picaud à l’Institut de la Vision (Sorbonne Université/Inserm/CNRS), et montre la cartographie de l’activation du cortex visuel primaire chez le primate avec une précision inégalée. Des sessions d’imagerie fUS, réalisées chez un primate vigile à qui sont présentés des stimuli visuels sur un écran, révèlent les de manière très fine des cartes d’activation ainsi que des structures corticales portant la dominance oculaire entre œil droit et gauche. La technologie permet de distinguer l’activation différentielle des couches du cortex visuel primaire dans toute sa profondeur. Ce niveau de description est inédit et démontre à nouveau l’excellente résolution spatiale et la sensibilité de l’imagerie fUS par rapport aux modalités de neuroimagerie existantes.

Le laboratoire Physique pour la Médecine développe l’imagerie fonctionnelle ultrasonore en étroite collaboration avec la société Iconeus™, start-up issue du laboratoire et fondée en 2016. Iconeus poursuit actuellement sa forte croissance et commercialise depuis cette année le premier neuroimageur ultrasonore, Iconeus One, pour l’imagerie préclinique en neuroscience. Iconeus compte déjà 16 salariés et a commercialisé de nombreux systèmes dans le monde entier lui permettant d’être autonome financièrement. « La période actuelle est passionnante pour l’imagerie neuro-fonctionnelle, car nous voyons une véritable communauté de chercheurs, de neurobiologistes, de pharmacologistes, de cliniciens se créer autour de cette nouvelle modalité » s’enthousiasme Mickael Tanter. Grâce à ce nouveau transfert industriel, la capacité actuelle d’Iconeus à disséminer cette technologie dans le monde des neurosciences va permettre d’augmenter rapidement le champ d’applications de cette imagerie en recherche et amènera certainement de belles découvertes sur la compréhension fondamentale du cerveau, sur la recherche de molécules pour le traitement des pathologies, sur des interfaces cerveau-machine innovantes pour le traitement du handicap, ainsi que très certainement des nouveaux outils de diagnostic cliniques.

Références :

Aydin A-K, Haselden WD, Goulam Houssen Y, Pouzat C, Rungta RL, Demené C, Tanter M, Drew PJ, Charpak S, Boido D. Transfer functions linking neural calcium to single voxel functional ultrasound signal. Nature Communications 2020 ;11:2954. https://doi.org/10.1038/s41467-020-16774-9.

Blaize K, Gesnik M, Arcizet F, Ahnine H, Ferrari U, Deffieux T, Pouget P, Chavane F, Fink M, Sahel JA, Tanter M, Picaud S, Functional ultrasound imaging of deep visual cortex in awake non-human primates. PNAS 2020. https://doi.org/10.1073/pnas.1916787117.

Ferrier J, Tiran E, Deffieux T, Tanter M, Lenkei Z. Functional imaging evidence for task-induced deactivation and disconnection of a major default mode network hub in the mouse brain. PNAS 2020. https://doi.org/10.1073/pnas.1920475117.

Contact : mickael.tanter@espci.fr
Pour en savoir plus :
Sur le laboratoire Physique pour la Médecine : www.physicsformedicine.espci.fr
Sur l’imagerie fonctionnelle ultrasonore : fultrasound.eu
Sur la start-up Iconeus : www.iconeus.com





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