Les ultrasons fonctionnels révèlent la dynamique des états cérébraux de bébés prématurés

Le laboratoire Physique pour la Médecine Paris (Inserm/ESPCI Paris - PSL /CNRS), en collaboration avec l’hôpital Robert Debré (AP-HP/Inserm), met au point l’imagerie fonctionnelle ultrasonore pour filmer l’activité cérébrale de nouveau-nés de manière unique par rapport aux modalités de neuroimagerie existantes. Leur dernière étude en date, publiée ce mois-ci dans Nature Communications, marque une avancée supplémentaire en démontrant la capacité des ultrasons fonctionnels à suivre et analyser la connectivité fonctionnelle et leur évolution au cours du temps chez des nouveau-nés. Ce nouvel outil pourrait être utilisé pour le dépistage précoce de troubles neurologiques liés à la prématurité.

Une naissance prématurée peut affecter le développement cérébral du nouveau-né, et générer des troubles neurologiques à divers niveaux de gravité, certains pouvant avoir des conséquences persistant jusqu’à l’âge adulte. Parmi les troubles neurologiques les plus courants, on peut citer les troubles du spectre autistique, la déficience intellectuelle, l’épilepsie, les troubles de l’attention et de l’hyperactivité, etc. Un défi majeur de la médecine est de détecter et identifier la trajectoire neuro-développementale d’un bébé dès sa naissance. Malheureusement, les outils de neuro-imagerie existants ne permettent pas un suivi facile des fonctions cérébrales des nouveau-nés.
L’IRMf (imagerie de résonance magnétique fonctionnelle) est la modalité de neuroimagerie la plus utilisée, mais elle est difficilement utilisable pour effectuer un suivi régulier de sujets aussi fragiles que des nouveau-nés prématurés pour de multiples raisons : coût, inconfort du patient, et sensibilité aux mouvements. L’EEG (électro-encéphalographie) et le NIRS (spectroscopie de proche infrarouge) sont quant à eux plus faciles d’utilisation, mais ont une résolution spatiale et une profondeur d’imagerie limitées. C’est là qu’interviennent les ultrasons fonctionnels (fUS) : avec une très bonne sensibilité d’imagerie et une grande portabilité, l’imagerie fonctionnelle ultrasonore présente tous les avantages pour devenir un outil puissant de suivi des fonctions cérébrales, utilisable au chevet du bébé, et pouvant offrir une haute résolution spatiale sur l’ensemble du cerveau.
En 2017, l’équipe avait établi la preuve de concept de l’imagerie fonctionnelle ultrasonore du nouveau-né. Plus récemment, ils ont travaillé au développement de méthodes d’analyse pour extraire des données d’imagerie des informations sur la connectivité fonctionnelle. La connectivité fonctionnelle est l’existence de liens – en particulier une synchronisation de l’activité – entre différentes régions du cerveau. Des modifications de connectivité fonctionnelle peuvent être le signe de dysfonctions cérébrales. Dans cette nouvelle étude,les chercheurs ont filmé l’activité cérébrale de nouveau-nés au repos, et analysé non seulement les motifs statiques de connectivité fonctionnelle, mais également l’évolution de ces motifs au cours du temps et leur taux d’occurrence (voir figure ci-dessous). Trois méthodes de calcul de connectivité ont été utilisées, chacune exploitant des caractéristiques différentes des données fUS et fournissant des informations complémentaires. La connectivité fonctionnelle dynamique a déjà été étudiée chez les sujets adultes au moyen de l’IRMf, mais on ne dispose jusqu’à présent que de peu de données sur les nouveau-nés. Les premiers résultats obtenus grâce à l’imagerie fonctionnelle ultrasonore sur une petite cohorte suggèrent qu’il existe une différence entre les bébés nés à terme et les bébés prématurés.
Cette étude est une avancée vers l’utilisation clinique de l’imagerie fonctionnelle ultrasonore, en définissant des méthodes d’analyse avancée pour évaluer de manière fine et robuste la connectivité fonctionnelle du nouveau-né, aussi bien en statique qu’en dynamique. La robustesse et la facilité d’implémentation de l’imagerie fonctionnelle ultrasonore promet de grandement faciliter les investigations cliniques, et in fine fournir un nouvel outil puissant pour la médecine néonatale.

Figure – Evaluation de la connectivité dynamique chez le nouveau-né grâce à l’imagerie fonctionnelle ultrasonore. Haut : la sonde ultrasonore est attachée sur la tête du bébé, et montée sur une platine motorisée permettant d’acquérir plusieurs plans d’imagerie. Bas gauche : évolution des états cérébraux au cours du temps, chez un bébé né à terme et chez un bébé prématuré. Bas droit : taux d’occurrence de chaque état cérébral, moyenné sur une cohorte de 4 bébés nés à terme, et 6 bébés prématurés.

Texte intégral de la publication :
Baranger J, Demené C, Frerot A, Faure F, Delanoë C, Serroune H, Houdouin H, Mairesse J, Biran V, Baud O, Tanter M. Bedside functional monitoring of the dynamic brain connectivity un human neonates. Nature Communications 2021, https://www.nature.com/articles/s41467-021-21387-x