Nemosine : les sciences au service de la conservation du patrimoine

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06/05/2022

Si l’œil capture tout ce qui l’entoure, cette mémoire n’est disponible sur pellicule que depuis la fin du XIXè siècle. De nombreuses archives cinématographiques ou photographiques n’existent que sur pellicules, composées notamment de cellulose, et de gélatines. Ces matériaux ne sont pas stables au cours du temps, et le risque est grand de perdre des trésors lorsque la dégradation des films n’est pas détectée / empêchée à temps.

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Maria Inês Severino Neves, doctorante à l’IMAP. A droite : un des structures de MOF étudiée pour le projet.

C’est à cette problématique que le projet collaboratif européen Nemosine tente de répondre depuis 2019, en associant des scientifiques de 16 institutions ou entreprises. Parmi ces partenaires, le CNRS, représenté par l’IMAP (ESPCI Paris-PSL, ENS-PSL, CNRS).
Nous avons rencontré Maria Inês Severino Neves, qui réalise sa thèse au sein de l’IMAP, en particulier autour du projet Nemosine.
« Lorsque les films de cellulose se dégradent, ils produisent des vapeurs comme l’acide acétique, qui vont accélérer encore la dégradation du support » explique la jeune chimiste.
Comment empêcher cette dégradation ? « L’originalité du projet Nemosine réside dans la multiplicité des scientifiques impliqués : des chimistes expérimentateurs ou théoriciens, des électroniciens pour la partie capteurs etc. En fait le but est de proposer une solution clé en main, c’est à dire un système de conservation qui permettent d’absorber les émanations des bobines afin qu’elles ne se dégradent pas, et de surveiller cette dégradation en temps réel pour prendre les mesures adéquates le moment venu ».

La chercheuse s’intéresse en particulier à la synthèse des matériaux qui vont permettre d’absorber les émanations. « Il y a plusieurs types de matériaux qui ont ce genre de propriétés : des zéolithes ou des charbons actifs, mais ils ne sont pas très efficaces. En plus, on parle ici de conservation d’œuvres, et la stabilité chimique et mécanique de nos composés est cruciale ». L’équipe s’est donc naturellement tournée vers les solides hybrides poreux (ou MOFs) dont l’IMAP est spécialiste.
« nous avons synthétisé différentes matériaux poreux et nous les avons mis en forme en fonction des besoins : des mousses, des granulés et des extrudas. L’enjeu important reste celui de la disponibilité de notre produit. Les MOFs sont des produits assez coûteux, et une des contraintes posées par les professionnels de la conservation était aussi d’ordre budgétaire. Nous avons réfléchi à l’utilisation de MOFs utilisés dans d’autres circonstances et produits en grande quantité pour pouvoir les utiliser également dans un but patrimonial. », explique Inês. Et ça marche, les matériaux composites créés pour l’occasion sont bien capables d’absorber l’acide acétique notamment, tout en restant très stables.

Le projet regroupe de nombreux autres aspects : par exemple la détection en temps réel de la quantité de matériaux témoins de dégradation dans le système, permettant d’alerter l’équipe de conservation.

Publications et brevets :

Kevin Dedecker, Renjith S. Pillai, Farid Nouar, João Pires, Nathalie Steunou, Eddy Dumas, Guillaume Maurin, Christian Serre, Moisés L. Pinto, Metal-Organic Frameworks for Cultural Heritage Preservation : The Case of Acetic Acid Removal, ACS Appl. Mater. Interfaces 2018, 10, 13886−13894

Maria Inês Severino, Effrosyni Gkaniatsou, Farid Nouar, Moisés L. Pinto, Christian Serre, MOFs industrialization : A complete assessment of production costs, Faraday discussions, 231, 2021

Brevet :
EP21306747, 2021





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