Décès de Jacques Badoz, premier directeur scientifique de l’ESPCI et fondateur du laboratoire de spectroscopie en lumière polarisée

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19/06/2025

C’est avec une grande tristesse que nous avons appris aujourd’hui le décès de Jacques Badoz.
Ingénieur ESPCI de la 64ème promotion, il effectue sa thèse de Doctorat d’État sous la direction de René Lucas (directeur de l’ESPCI et élève de Langevin) sur un sujet à l’interface entre l’optique et l’acoustique, puis est nommé assistant et ensuite professeur en Optique Physique à l’ESPCI. En 1976 il est nommé directeur Scientifique de L’École.

Dans les années 1960 l’ESPCI possédait une solide réputation en physico-chimie des polymères et en chimie analytique, mais la recherche en physique n’était aussi développée.

Jacques Badoz a réussi à créer une petite équipe (Billardon, Briat, Rivoal, Boccara, Duran, Férre, Fournier, Moreau, Petit, Russel…pour ne citer que les premiers), équipe qui a été associée au CNRS parmi les premières : l’UPR 5. Avec peu de moyens financiers Jacques Badoz a pu proposer à ses doctorants des sujets originaux qui mettaient à profit les mesures fines en lumière polarisée, les anisotropies naturelles ou induites, la spectroscopie des éléments de transition etc. Au niveau de la mesure physique, l’avance de l’UPR 5 était notable, Jacques Badoz avait, en effet, compris l’intérêt de la détection synchrone associée à la modulation de polarisation dont il avait été l’inventeur : de ce fait l’équipe CNRS portait le nom de ‘’spectroscopie en lumière polarisée’’. Cette instrumentation de pointe, des mesures à basses températures et pas mal de calculs de physique quantique ont permis à cette petite équipe d’être pionnière dans le domaine de l’optique du solide.


Jacques Badoz expliquant le pouvoir rotatoire naturel.


Jacques Badoz nous a toujours encouragé à tenter de nouvelles expériences par exemple en photoacoustique/photothermique. C’est ainsi que fut organisé le 3ème Congrès International de Photoacoustique et Photothermique au sein de l’ESPCI en 1983 qui fut un très grand succès.

Mais peut-être ce qui a le plus servi à dynamiser la recherche et à promouvoir l’ESPCI c’est l’initiative de Jacques Badoz pour convaincre Pierre Gilles de Gennes de postuler à la direction de l’ESPCI ; la réputation de l’ESPCI s’en est trouvée renforcée et le prix Nobel de Pierre Gilles de Gennes a particulièrement mis l’ESPCI en lumière. Jacques Badoz a écrit Les Objets Fragiles, un livre de témoignages à la suite des visites que Pierre Gilles de Gennes a faites, souvent avec lui, dans de nombreux lycées français pour y promouvoir la physique.
Il serait trop long de décrire les initiatives que l’équipe De Gennes/Badoz, époque où Jacques Badoz était Directeur Scientifique de l’ESPCI, pour l’aide portée à la recherche.

Enfin, il est bon de rappeler que près de la retraite ou même retraité il a, avec Mark Silverman, professeur de physique aux USA, entrepris de travailler sur un sujet aujourd’hui très populaire à l’ESPCI : l’anisotropie en présence de diffusion multiple ; là encore Jacques Badoz a su concevoir et réaliser avec succès des expériences aussi délicates et qu’originales.

Jacques Badoz a été lauréat du prestigieux Prix Aimé Cotton de la Société Française de Physique (SFP) en 1963. Il a largement participé à la vie de la SFP en organisant des colloques et plus encore en réunissant des physiciens de l’optique le samedi après-midi au Collège de France.

Jacques Badoz est à l’origine de la fondation de la Société Française d’Optique en 1983.
En parallèle à toutes les activités scientifiques, Jacques Badoz savait aussi animer son équipe : nous encourager, nous soutenir et se réjouir de nos succès. Grand voyageur, talentueux dessinateur, il revenait avec de petites aquarelles très réussies qui constituaient aussi de superbes cartes de vœux.

La communauté scientifique et l’ESPCI ont perdu un grand homme.





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